Valse sèche

Cela fait des lustres que sur le pays il ne pleut plus guère :

L’été qui s’incruste, septembre sans pluie, idem en hiver.

Initialement quelques imbéciles en furent ravis.                 

Au fil du beau temps, ils s’inquiètent et ils se lamentent aussi.

Devenant instable, le niveau des nappes phréatique baisse

En raclant le sable, le ventre des carpes, des truites se blesse.

Transmué en flaque, disparaît l’étang, havre à bécasseaux.

Les chasseurs du lac ne sifflent plus dans l’appeau sur les eaux

L’astre diurne brille, dardant sa lumière, brûlant champs et landes.

Les épis se grillent, les semis s’altèrent, des fruits secs pendent.

Les agriculteurs gisent sur la paille rêche par manque d’eau.

Leurs femmes en pleurs dedans leurs champs d’ail qui perdent les aulx.

Jadis « il fait beau » signifiait « azur » dans les bulletins.

Je pense qu’il faut qu’en place ils assurent « averse » et « crachin ».

Tels les Inuits usant de quarante termes sur la neige,

Le temps sec mérite que se réinvente un faisceau d’arpèges.

Tel regrette aussi dans la pluie battante, ces changements de pneu ;

Et sans parapluie, ces lentes attentes la nuit en banlieue.

Même le Ricard ne s’humectant plus reste transparent ;

Pleurer est ringard : l’eau serait perdue en gâchis navrant.

Différent experts ne parviennent plus vraiment à s’entendre :

Le niveau des mers va-t-il être en crue ? Va-t-il redescendre ?

Et quant aux augures lisant les entrailles, le marc de café,

Rien n’est vraiment sûr, leur esprit déraille, pas plus avancé.

Un chamane fameux a bien essayé sa danse de pluie :

Le ciel resta bleu, sans aspérité ni nuage gris.

Puis, furent tentés prières, sacrifices aux dieux anciens,

Herbes à fumer… sans nul bénéfice ni succès aucun.

L’encre s’est tarie : ma plume s’assèche sur la page blanche.

Cervelle flétrie aux idées revêches, esprit qui calenche.

Desséché, c’est être atteint de grands maux que je ne sais dire.

L’esprit et la lettre : si je manque d’eau, je ne peux écrire. 

Épris de la lettre, si je manque d’eau, je ne peux l’écrire.